L’Avare (1668) est une des pièces de Molière les plus connues. (Re)mettre en scène L’Avare, seconde pièce la plus jouée à la Comédie Française après Tartuffe, représente un défi considérable. Défi rélevé par Catherine Hiegel, la doyenne de la troupe, il y a quelques mois. Pour cela, Catherine Hiegel s’est appuyée sur des comédiens hors pair, un décor original et une mise en scène bien pensée.
La distribution, donc, était irréprochable. Tous les comédiens se sont admirablement acquittés de leur rôle, bien qu’en ce qui concerne les rôles secondaires, il n’y ait eut aucune surprise quant à l’interprétation des personnages. Ils étaient tels qu’on se les aurait imaginés en lisant la pièce : Cléante en jeune homme naïf plein d’idéaux en rebellion contre son père, La Flèche en valet sournois et moqueur, etc.
Par contre, j’ai été très agréablement surprise (enfin, moyennement surprise, tout le monde en parlait) par le jeu de Denis Podalydès. Je n’avais jamais vu L’Avare sur scène, donc je n’avais jamais vu d’Harpagon non plus. Il n’en est pas moins que l’Harpagon que j’ai eu sous les yeux était excellentissime. Comme elle le dit elle-même, Catherine Hiegel a décidé d’apporter un regard neuf sur le personnage. Dans sa nouvelle mise en scène, le vieillard n’a rien d’un vieillard, excepté l’âge. C’est un Harpagon encore jeune dans sa tête, vif et malicieux, paranoïaque à l’excès et égoïste à souhait, follement épris de sa cassette (autant de qualités recquises pour faire un parfait avare). Il est absolument ridicule en train de renifler les deux revers des mains de son valet pour vérifier que celui-ci n’a pas volé son argent ou dans sa tentative de séduire Mariane en lui toussant allégrement dessus, et presque touchant dans sa joie puérile d’avoir retrouvé sa cassette. C’est un Harpagon jeune dans son corps également, courant, bondissant partout, criant, bref, un vieillard en pleine forme. D’après le metteur en scène, « Harpagon court, rit, danse. Il fête son argent ! ». Denis Podalydès était comme je l’ai dit génialissime, et même si je ne vais pas m’étendre en éloges, sa prestation m’a beaucoup marquée. C’est lui qui a porté sur ses petites épaules de vieillard cruel et dynamique toute la pièce.
Le décor était lui assez innovant puisque la pièce s’est entièrement déroulée sur le palier du grand escalier de pierre de la maison d’Harpagon. Les personnages entraient et disparaissaient par d’autres escaliers, plus petits, qui menaient à divers endroits de la maison. Côté cour, des fenêtres donnaient sur le « jardin » et permettaient ainsi à Harpagon de surveiller l’endroit où il avait enterré sa cassette. Il n’y avait donc pas besoin de meubles, et j’ai trouvé que c’était une très bonne idée de dégager la scène de cette façon.
La mise en scène était très dynamique, surtout en ce qui concerne le personnage principal qui n’a cessé de courir partout. La surprise de la pièce (enfin là encore, ce n’était pas vraiment une surprise) a été quand Denis Podalydès est venu dans la salle, sautant avec agilité de siège en siège, à la recherche du voleur de sa cassette adorée. Bien qu’Harpagon ne s’adressait pas directement au public, il a eut un petit moment d’interaction entre celui-ci et le comédien. Puis Harpagon est retourné sur scène et la pièce a continué.
La pièce s’est terminée sur une petite chorégraphie et une pluie de fausses pièces d’or en confettis, ambiance spectacle pour enfants, qui fait qu’on sort avec le sourire.
En conclusion, j’ai beaucoup aimé le jeu de Denis Podalydès et le dynamisme de la pièce. J’ai moins aimé que certains comédiens ne parlent pas assez fort, dans ces moments-là on a juste envie de passer à la scène suivante. Même si ça n’est pas vraiment propre à la mise en scène de Catherine Hiegel, j’ai trouvé ça vraiment dommage, surtout pour un spectacle de la Comédie Française.
Je suis néanmoins sortie de la salle très impressionnée par l’ensemble de la pièce.
Je suis néanmoins sortie de la salle très impressionnée par l’ensemble de la pièce.
(C’est malheureusement le dernier spectacle que Catherine Hiegel monte à la Comédie Française, la doyenne de la troupe ayant été « poussée » à prendre une retraite prematurée.)
Claire S.