Dans le cadre du Festival Da:ns de Singapour qui se déroule du 8 au 17 octobre, Uprising est un spectacle de danse contemporaine, mis en scène et chorégraphié par le britannique d'origine israélienne, Hofesh Shechter. Une représentation de 26 minutes où sept danseurs masculins débordent d'énergie et d'une certaine grâce. S'inspirant de manifestations et de la guerre, le chorégraphe propose une danse dynamique à l'allure violente, qui laisse le spectateur sans voix.
En entrant dans la salle des spectacles de l'Esplanade, le vendredi 8 octobre 2010, on s'attendait déjà à un spectacle de percussions, chorégraphié par Hofesh Shechter. Peu d'informations dans les brochures ; on attend, assis à nos places. Soudain, la lumière s'éteint subitement, laissant le public dans le noir, encore perturbé par cette plongée inattendue dans l'obscurité. Puis, le lumière réapparaît brusquement, sur la scène cette fois, mais en direction du public, abandonnant le fond du plateau dans le noir. Une musique fracassante et répétitive survient en même temps que la lumière sur scène. Cela trouble, mais fascine le public, charmé de tant d'originalité. Et c'est alors que les sept danseurs émergent de l'obscurité du fond de la scène. Marche déterminée, il viennent en avant-scène et se tiennent immobiles, dans une position particulière. Quelle entrée !
Et la fascination ne quitte pas le spectateur. Le premier épisode présente deux danseurs. Un duo brutal, violent, caractéristique d'une lutte qui génère un côté animal et sauvage. La musique se répète toujours. De nouveaux instruments l'accompagnent, mais le rythme reste le même. Différents groupes émergent de l'obscurité profonde de la scène. Solos, duos, trios, quatuors simultanés se forment sur scène, avec des mouvements amples et souples, des déplacements travaillés, qui forment une belle harmonie. Plusieurs tableaux, et des épisodes de groupe où les sept danseurs s'assortissent. Magnifique ensemble !
Puis, le spectateur se retrouve face à différentes images, et les interprète, à sa manière. Car il n'y a pas d'interprétation pré-calculée. En effet, Hofesh Shechter "travaille à partir d'un ressentiment". Les images qui résultent de son imagination et des répétitions avec sa compagnie sont là pour une simple question d'esthétique. "C'est au spectateur d'interpréter". Que ce soit pour la musique, pour les lumières, pour les costumes, pour la danse en elle-même. L'important est que le spectateur se sente transporter par le danse qu'on lui présente, et c'est exactement ce que j'ai ressenti. Une vague d'originalité que j'ai interprété par le côté bestial mais fraternel de l'être humain. Et même la musique, assourdissante mais envoûvante, nous transmettait des images à interpréter, telles que l'urbanisation ou la pluie qui tombe sur scène. Enfin, un excellent travail au nivau de l'éclairage, qui s'accorde avec la fumée présente scène, qui créait un effet de flou sur les danseurs. Merveilleux travail !
Des mouvements amples et gracieux, une dynamique incomparable et une musique au caractère primitif composée par le chorégraphe lui-même, des jeux de lumière encore jamais vus, Hofesh Shechter signe là, sans doute, l'un des plus beaux spectacles du Festival.
A la suite du premier spectacle Uprising, Hofesh Shechter nous offre une seconde représentation, intitulée In your rooms. Totalement indépendante de la première, le chorégraphe nous présente 11 danseurs : 6 hommes et 5 femmes.
Au moment de l'entracte de 20 minutes, on parle encore du merveilleux spectacle auquel nous venons d'assister. On échange nos opinions, on essaye de décrypter les images, et on met en relation ce que nous avons observé avec ce qu'on pourrait faire dans le cadre de notre option (une entrée rapide, qui en met plein les yeux, de la lumière au ras du sol..). Puis, nous pensons à ce qui nous attend en deuxième partie. On espère que la suite sera encore mieux. Dans les brochures distribuées, on nous parle de provocation politique et personnelle, d'une société aliénante, mais pourtant familière. Concept un peu complexe. On attend.
De retour dans la salle, on nous plonge, une fois de plus, dans le noir. Puis, surgit de nulle part, une voix masculine nous parle du cosmos, qu'il compare à la société humaine. Mélange de discours et de musique, composée elle-même de percussions, et d'instruments à corde qu'on aperçoit dans le fond de la scène. Plus que les yeux, l'ouïe est attiré. Puis, les 11 danseurs apparaissent. Musique et danse, élaborées par le chorégraphe, sont alors combinées, pour 40 minutes de pure plaisir.
Comme pour Uprising, plusieurs groupes se forment sur une même scène, laissant le regard du spectateur voyager entre les différents mouvements, et les différents déplacements. La musique répétitive et intense, installe un rythme où s'engage aussi bien le danseur que le spectateur, qui, au fil des pulsions musicales, se laisse transporter par la magie du spectacle. Des images, certes, s'insèrent dans la chorégraphie, qui font penser à des manifestations, lorsque les danseurs lèvent leurs poings, à des luttes entres des personnes, ou bien à une séparation de la société, caractérisée par la présence d'un danseur qui divise la scène en deux, par une ligne de sable blanc. Mais, comme je l'ai dit précédemment, Hofesh Shechter n'inscrit ces images que dans un but esthétique, pour laisser une grande imagination au spectateur.
Par ailleurs, les effets de lumière sont tout particulièrement intéressants. En effet, pendant une grande partie de la représentation, les parterres de lumières étaient de forme géométrique : formes carrées ou rectangulaires. Cette idée de zone de lumière délimitée où s'installaient différents groupes de danseurs, rappelle le titre du spectacle "In your rooms". On peut alors en tirer diverses interprétations, mais je dirais que ces zones de lumière, qui n'apparaissent que pour de courts instants, dimilitent des pièces dans lesquelles il se passe quelque chose, à un moment donné, dans la société.
Enfin, pour revenir à l'aspect provocateur du système politique, évoqué dans les brochures, on aurait pu relever en exemple l'Allah à la fin de la représentation, qui, en fait, n'avait pas de but particulier, comme l'a dit Hofesh Shechter lors de la discussion avec le public, qui a suivi le spectacle. C'est juste une question d'esthétique, encore une fois. En revanche, ce qui est à relever, c'est le message écrit, diffusé au public sur une petite pancarte que tenait un danseur, où il y avait marqué "Don't follow leaders... Follow me !" (Ne suivez pas les leaders, suivez-moi !). En effet, on pourrait croire qu'il y a un but de provocation contre les partis politiques et les leaders, mais je suppose que ça rejoignait tout de même l'idée d'esthétique (ce spectacle n'avait pas pour but de faire de la propagande !)
En compensation avec Uprising, In your rooms est un superbe spectacle, plein de dynamisme et d'innovation artistique, qui submerge le spectateur d'originalité et de créativité. Hofesh Shechter s'inscrit alors comme étant une grand chorégraphe, qui promet de livrer des spectacles encore plus sensationnels dans les années à venir.
Fabiola.