Giselle et un ballet contemporain de l’opéra de Lyon, chorégraphié par Mats Ek. Chorégraphe et danseur contemporain originaire de Suède, il est réputé pour faire jaillir la psychologie tourmentée des personnages à travers les gestes des danseurs qui les incarnent, et bousculer les conventions du ballet. Ces particularités sont parfaitement reflétées par Giselle, qu’il crée en 1982.
En effet, ce spectacle est un Giselle classique revisité. A l’origine, ce ballet romantique met en scène une jeune paysanne, Giselle, qui meurt de tristesse en découvrant que le duc Albrecht dont elle est éperdument amoureuse est fiancé. La Reine des Willis, esprits de jeunes filles mortes vierge, décide qu'Albrecht doit suivre Giselle dans la tombe. Elle le condamne donc à danser jusqu'à la mort, par épuisement. Mais l'esprit de Giselle, en dansant avec lui, arrive à le sauver.
La Giselle de Mat Ek est différente, elle repose sur des idées plus contemporaines. Dans sa réinterprétation, le premier acte se déroule sur une île volcanique. Le seul élément de décor est un arrière-plan représentant un paysage tropical qui pourraient sortir directement d’un dessin animé: des collines verdoyantes à la rondeur exagérée suggérant la sensualité du corps féminin. Moquée par les autres villageois, Giselle est souvent seule dans son coin. Cette opposition est marquée par la différence entre leurs costumes : giselle porte du rose tandis que les paysans sont en gris ou kaki. En outre, elle est la seule avoir les pieds nus, ce qui souligne sont coté « enfant sauvage ».
Son fiancé Hilarion l’aime sans vraiment la comprendre et l’attache avec une corde pour l’empêcher de s’échapper. Malgré cette précaution, Giselle se libère et rencontre Albrecht, un jeune noble de la ville. Il est alors l’objet d’une fascination infinie de la part de la jeune femme. J’ai trouvé que la chorégraphie rendait l’amour de Giselle très crédible : le désir de découvrir l’autre était évident, tout comme la timidité signifiée par l’éloignement et le rapprochement alterné des deux protagonistes. De plus, le personnage de Giselle se comportait comme une enfant, ce qui la rendait d’autant plus touchante (déplacements à quatre pattes, grands mouvements de bras, sautillements, …) .
Découvrant l’amour naissant de sa fiancée, Hilarion s’oppose violement à Albrecht. S’ensuit une confrontation entre les paysans et les nobles, où Giselle est une fois de plus mise à part. Les villageois entrent en scène en poussant d’énormes œufs, symbole de prospérité et d’abondance. Alors qu’ils ne dansent que pour gagner de l’argent, d’une manière lourde et maladroite, les nobles entament une dance gracieuse qui s’y oppose. Albrecht semble alors renier Giselle pour retourner auprès de sa propre fiancée.
Le chagrin d’être trahie par Albrecht ne la tue pas, mais la rend folle. On comprend que Giselle perd la raison lorsqu’elle seule est éclairée, comme si elle était tout à coup seule au monde, et que les danseurs autour d’elle dodelinent de la tête de plus en plus vite. Les danseurs incarnant Hilarion et Albrecht, l’un en blanc, l’autre en noir, tournent ensuite en accélérant autour d’elle, peut-être pour signifier le tournis ressentit par Giselle.
Elle est donc envoyée dans un asile psychiatrique. Le rideau du deuxième acte se lève sur un arrière-plan surréaliste représentant une salle dont la porte est fermée, avec des morceaux de corps humain flottant dans l’espace : une paupière, un nez cubique, une oreille simplifiée, un sein, des morceaux de doigts… Les fous, vêtus de simples robes d’hôpital blanches, entrent en scène en rampant sous des draps blancs. La ressemblance à des larves leur hôte leur humanité, ce qui insiste sur le fait qu’ils sont considérés comme de moins que rien. Giselle se différencie par le bandage qu’elle porte au front comme si elle avait reçu un gros coup. Cet élément costume rappelle la blessure psychologique qu’elle a subie.
Hilarion se rend à l’asile pour tenter, en vain, de rendre la raison à sa fiancée. Certainement pris de remord, Albrecht rend à son tour visite a Giselle. La nuit qu’il passe à l’asile l’ouvre a une autre vie : l’harmonie avec la nature et la vanité des choses matérielles. Il retourne sur l’île volcanique du premier acte entièrement nu, comme pour retourner à la pureté primitive après avoir vidé son esprit. On peut aussi penser que le séjour passé à l’asile auprès de Giselle l’a lui aussi rendu fou.
J’ai trouvé la chorégraphie de Mats EK touchante et juste : l’amour émanait du personnage de Giselle et les fous du deuxième acte entraînaient presque le spectateur dans leur folie. Pour ceux qui n’ont pas eu la possibilité de voir ce spectacle, je conseille la vidéo suivante. Il s’agit de la rencontre entre Giselle et Albrecht, au début du premier acte. Contrairement à la représentation en direct, cette vidéo permet de voir l’expression des visages des danseurs.
http://www.opera-lyon.com/programme-en-ligne/indexsans.php?page=40
J’attends vos avis avec impatience !
Julia Pflimlin
Cependant, je dois avouer que j'ai été assez déçue du spectacle, pour plusieurs raisons.
Tout d'abord (mais je pense qu'effectivement ce n'est pas le meilleur argument), parce que j'ai vu Giselle l'année dernière avec la mise en scène traditionnelle, je crois que j'ai eu un peu de mal à me défaire de l'histoire originelle. Dans la mise en scène de Mats EK, J'ai eu l'impression de voir une Giselle simplette, un peu folle, peut-être un peu trop "enfantine" comme tu disais. Alors que pour moi, Giselle n'est pas ce genre de personne : elle est plutôt quelqu'un d'honnête, qui a toute sa tête même si elle meurt de chagrin à la fin du premier acte. Et l'acte 2 ! En regardant le programme, le choix d'un asile psychiatrique m'avait beaucoup intriguée, mais là pareil, manque de liens entre la nouvelle et l'ancienne version : pourquoi nécessairement remplacer des jeunes filles mortes de chagrin par des malades, des folles? L'intérêt de l'infirmière? Où était la Reine des Willis? (je doit dire que pendant longtemps je n'ai pas fait le point que Giselle était la malade avec le bandeau, je pensais justement qu'il s'agissait de la reine...)
Ici, c'est un point de vue très, très subjectif, mais je tenais à le dire.
Ensuite, à plusieurs reprises je n'ai pas trouvé d'intérêts véritables aux éléments du décors : les oeufs (vraiment, un symbole de prospérité??), les membres disparates sur un fond de cellule d'asile (quel intérêt?), et enfin, Et Enfin, l'apparition de l'homme nu sur scène : qu'on soit bien d'accord, je n'ai rien contre les hommes nus sur scène, seulement là, je ne voyais vraiment pas pourquoi la représentation de la pureté devait à tout prix se caractérisée par la nudité (ou alors sinon, que le danseur aille jusqu'au bout : qu'il se mette face au public ! bon, attention âmes fragiles...).
Justement, dans le programme, deux pages sont dédiées à l'explication des symboles représentés sur scène ; si vraiment ces symboles avaient un intérêt, le spectateur en aurait remarqué et interprété au moins un ou deux, et il ne serait pas nécessaire de les expliquer dans le livret car ils devraient relever de l'évidence!
Au point de vue de la danse maintenant (indépendamment de la performance des danseurs, qui je trouve est vraiment remarquable, avec tous les sauts, etc.) : au 1er acte, les mouvement sont toujours un peu les mêmes, et peu brutaux parfois (même si le contraste chorégraphie/musique était de temps en temps intéressant). Le deuxième acte s'est fait attendre : à ce moment là, j'ai ressenti plus de recherche dans les mouvement et j'ai apprécié ces déplacement de groupe, une belle synchronisation.
Finalement, j'ai été plutôt déçue de ce spectacle. Je crois que j'en attendais un peu trop de leur part...